Des découvertes inédites dévoilent le passage de Winston Churchill au lac des Neiges
Imaginez Winston Churchill, cigare à la main, assis paisiblement sur la galerie d’un camp de pêche isolé au cœur des Laurentides. Ce n’est pas une fiction, mais bien une réalité historique récemment mise au jour, ici même, à Sainte-Brigitte-de-Laval.
Deux photographies inédites et un registre signé par le Premier ministre britannique viennent confirmer et enrichir ce moment exceptionnel d’août 1943, suivant la célèbre Conférence de Québec. Ces découvertes remarquables sont le fruit d’un heureux hasard et de rencontres fortuites avec des gens d’ici et des passionnés d’histoire locale.
Un séjour intimiste loin du protocole
Churchill avait été invité au pavillon de pêche du lac des Neiges par son ami personnel, le colonel Frank Clarke, directeur de l’Anglo-Canadian Pulp & Paper Mills. Le Premier ministre britannique y séjourna quelques jours après la Conférence de Québec (QUADRANT), tenue du 17 au 24 août 1943. Cette rencontre, qui réunissait Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt en pleine Seconde Guerre mondiale, visait notamment à définir les stratégies militaires des Alliés, dont le projet d’un débarquement en Normandie, ainsi qu’à signer secrètement l’accord de Québec intégrant le programme nucléaire britannique au projet Manhattan.

Pour atteindre le lac, Churchill dut traverser Sainte-Brigitte-de-Laval, empruntant des chemins forestiers longeant la rivière Montmorency. Louis-Paul Fortier, témoin local, se souvient avoir aperçu un impressionnant cortège de jeeps traversant le village, certaines tirant des chaloupes, un souvenir partagé dans notre balado « Une histoire vivante » narré par Dorothée Berryman.
Churchill capturé en images
C’est M. Denis Thomassin qui nous a mis sur la piste de l’existence de ces photos. La première photo retrouvée, fournie par Michel Bernier et Ginette Fortier, montre Churchill fumant son cigare emblématique, installé sur la galerie en bois du camp, plongé dans la lecture. Sa femme, Clementine, lit tranquillement à ses côtés, sous une couverture. Une troisième personne, probablement leur fille Mary Churchill, se repose à leurs pieds.
La deuxième image, récemment obtenue grâce à Marie-France Bernier, la soeur de Michel Bernier, provient directement de la famille du guide Wilfrid Thibodeau, qui accompagna Churchill lors de cette escapade. Le cliché présente le couple Churchill avec leur guide, mettant en évidence une prise généreuse, soulignant le côté détendu et informel de ce séjour.
Des signatures historiques dans les registres
Le premier registre du camp intitulé Snow Lake, un document d’une grande valeur historique couvrant la période de 1933 à 1947, révèle des détails fascinants sur ce séjour. Churchill y signe à deux reprises, les 26 et 28 août 1943. Sa signature du 26 août est accompagnée d’un croquis humoristique de poisson, une touche personnelle remarquable. Le document comporte également les signatures de son épouse Clementine et de leur fille Mary, ainsi que d’éminents collaborateurs : le général Hastings Lionel Ismay, le garde du corps Walter Thompson, le médecin personnel Lord Moran, John Martin, Charles « Tommy » Thompson, Alexander Cadogan et Leslie Rowan.
Une riche histoire locale dévoilée par les registres
Les trois registres précieusement conservés par Michel Bernier et Ginette Fortier témoignent de l’importance exceptionnelle du lac des Neiges. Au-delà du séjour de Churchill, ces archives mettent en lumière la fréquentation régulière du lieu par de nombreuses personnalités influentes. Industriels, politiciens, journalistes, dignitaires canadiens et internationaux ont laissé leurs signatures, faisant du lac des Neiges un lieu de rencontre privilégié durant près de quarante ans.

Selon Michel Bernier, ces séjours n’étaient pas anodins : de nombreux contrats commerciaux, notamment pour l’approvisionnement en papier journal, furent conclus lors de ces moments de détente.
Parmi ces visiteurs figurent Bernard Baruch, influent conseiller économique américain, John Buchan, gouverneur général du Canada et Jean Lesage, Premier ministre québécois, qui souligna lors de sa visite en 1962 : « Par hasard, heureux hasard, revenu après 19 ans pour la plus belle pêche du monde ! ».
Un lieu discret au carrefour de l’histoire mondiale
La présence de Churchill au lac des Neiges ne passa pas inaperçue à l’époque. Le journal La Patrie rapporta, dans son édition du 1er septembre 1943, que Churchill partagea son séjour entre le camp du Rigolet (« la cabane Montmorency ») et le lac des Neiges. De son côté, Le Devoir mentionna que les Churchill avaient parlé français avec leurs guides et cuisinières québécois, précisant que la pêche fut fructueuse, Churchill ayant capturé plusieurs truites imposantes grâce au guide local.

Une découverte fortuite et précieuse
Ces découvertes exceptionnelles témoignent que le lac des Neiges fut un témoin privilégié de l’histoire mondiale, où des personnalités majeures du XXe siècle vinrent discrètement profiter de moments de répit tout en façonnant indirectement l’histoire politique et économique de leur époque.
Remerciements spéciaux
Nous remercions chaleureusement Ginette Fortier, Michel Bernier et Marie-France Bernier pour leur confiance et leur précieuse contribution à la sauvegarde et à la diffusion de notre patrimoine local. Sans leur générosité et leur souci de préserver ces documents historiques, cette histoire fascinante serait restée méconnue.
Ces témoignages du passé soulignent l’importance d’être attentifs aux récits et aux objets conservés par nos familles car l’histoire peut parfois se cacher dans les souvenirs les plus inattendus.
Si vous avez d’autres informations sur l’histoire du lac des Neiges, n’hésitez pas à nous écrire à :
societehistoiresbdl@gmail.com.
Marc Gadoury et Allen Dawson