La demande d’aide médicale à mourir (DAAMM)

Depuis le 30 octobre 2024, au Québec, il est possible pour une personne ayant un diagnostic de trouble cognitif, tout en étant encore apte, de demander l’aide médicale à mourir de façon anticipée. La loi québécoise est bien votée mais ce n’est pas si simple que cela.

Un article du Dr Quoc Dinh Nguyen gériatre, épidémiologiste et chercheur au Centre hospitalier de l’Université de Montréal est paru dans la revue Actualité de février 2025 pour bien faire comprendre le processus et les difficultés liées à ce choix. Je me suis empressée de le lire et je vous partage quelques pistes de réflexion.

Le processus de la (DAAMM) ?

Pour faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir, il faut être atteint d’une maladie grave et incurable comme la maladie d’Alzheimer ou une autre démence. Ensuite, au moment d’administrer ce soin, donc probablement plusieurs années plus tard, il faudra qu’il y ait une perte avancée des capacités et que la personne ait des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables.

La personne qui demande la DAAMM devra détailler les signes qui spécifient ce qu’elle juge inacceptable de vivre comme: n’être plus capable de s’alimenter, ne plus reconnaître ses enfants, être incontinent, etc.

Il faut également inscrire le nom de la personne qui sera responsable d’enclencher le processus d’évaluation pour l’aide médicale à mourir. J’ai réalisé l’ampleur de cette responsabilité en prenant la décision de faire euthanasier ma chatte. Indécision, confusion, culpabilité se sont pointées dans ma tête. Imaginez-vous le fardeau qui est donné à la personne responsable d’enclencher le processus pour un être cher.

Lorsque le processus est enclenché, deux professionnels de la santé (médecin ou infirmière spécialisée) devront s’assurer que les manifestations sont présentes, qu’il y a un déclin avancé des capacités ainsi qu’une souffrance intolérable.

Avant de demander l’AMM

Il est possible de se préparer à la perte d’aptitudes et l’AMM ne devrait pas être vue comme la seule issue aux traitements des troubles cognitifs.

La maladie de la démence et l’Alzheimer se concrétisent par un processus progressif et insidieux. L’évolution des troubles cognitifs est souvent lente et ce n’est pas facile de dire quand la situation devient inacceptable.

Il ne faut pas sous-estimer la capacité d’adaptation de la personne malade. C’est difficile de dire ce qui nous fera souffrir plus tard. Plusieurs personnes souffrant d’Alzheimer n’ont pas du tout l’air malheureuses.

Selon des gériatres, après le choc initial du diagnostic et les phases précoces de la maladie, l’adaptation s’installe. À partir des phases modérées, plusieurs malades ne se rendent plus compte qu’elles sont malades (on parle alors d’anosognosie) et la souffrance perçue est réduite. Je peux d’ailleurs en témoigner car j’ai vu et je vois régulièrement des personnes atteintes d’Alzheimer qui n’ont pas du tout l’air de souffrir. Je pense, entre autres, à ma belle-soeur Marie-Paule qui est atteinte de cette terrible maladie et à chaque visite, elle est souriante, mais ne peut suivre la conversation. Je ne voudrais pas avoir à prendre une décision la concernant.

Les médecins et infirmières devront évaluer les manifestations cliniques récurrentes de la maladie et s’il y a souffrance intolérable comme le mentionne la loi. L’évaluation de chacun de ces deux critères est difficile pour les troubles cognitifs. Les personnes souffrant d’Alzheimer ou de démence ont des bonnes et des mauvaises journées. Une infection passagère (pneumonie ou infection urinaire) peut même avoir des effets importants sur la cognition d’une personne et c’est difficile de savoir si c’est temporaire ou permanent.

La détermination de la souffrance ne reposera pas sur un échange avec la personne qui demande l’AMM car elle ne sera plus apte. Ce qui sera perçu comme souffrant par le proche aidant sera possiblement différent du constat des deux médecins évaluateurs. Comment s’assurer que la décision respectera le souhait de la personne ?

L’aide médicale à mourir ne doit pas devenir un choix par défaut parce que les soins palliatifs et les soins aux personnes âgées dans les CHSLD et les hôpitaux ne sont pas à la hauteur des attentes.

La où il y a consensus

La demande d’AMM anticipée a pour but de répondre au principe de décider de notre vie, de faire des choix en fonction de notre bagage de vie, de nos valeurs. Elle existe pour les cas où nous aurons perdu cette capacité à décider pour nous-même. Pour une grande majorité de Québécois, les DAAMM sont une avancée importante pour respecter la dignité d’une personne.

La gériatre, Quoc Dinh Nguyen espère éviter des incompréhensions fâcheuses et de grandes déceptions, autant pour les personnes atteintes d’un trouble cognitif que pour leur entourage. Quoiqu’il en soit, c’est important de réfléchir aux conséquences d’une décision ayant autant d’impacts et d’en discuter avec nos proches.